Un rapport récent des responsables des agences de sécurité alimentaire en Europe soulève des inquiétudes concernant 13 ingrédients présents dans les compléments alimentaires, notamment la curcumine, Hypericum perforatum, les espèces d’Actaea et Withania somnifera. Cet article replace ce rapport dans son contexte à l’aide des commentaires formulés par la Fédération européenne des fabricants de produits de santé.
Qu’est-ce que la HoA ?
Les chefs des agences de sécurité alimentaire (HoA) représentent les autorités publiques européennes responsables de la gestion des risques liés à la sécurité alimentaire. Le HoA aide les différentes autorités à travailler ensemble pour contrôler le respect de la législation alimentaire. Ils partagent également leurs idées et leurs expériences afin d’améliorer, d’accélérer et d’harmoniser l’application de la législation. Des représentants de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission européenne (DG SANTE) et de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) participent également aux réunions bisannuelles. Le groupe de travail HoA sur les compléments alimentaires a été créé pour élaborer une approche commune de la gestion et de l’évaluation des ingrédients ou des nutriments susceptibles de présenter un risque pour la santé publique lorsqu’ils sont utilisés dans des compléments alimentaires.
Dans l’UE, la surveillance des ingrédients ayant des effets fonctionnels dans les aliments n’est harmonisée que pour les ingrédients énumérés dans les règlements de l’UE sur les aliments enrichis [1] et les nouveaux aliments [2]. Afin d’étendre la protection des consommateurs, ce groupe de travail examine quelles « autres substances » devraient être restreintes. Le HoA recommande d’ajouter ces ingrédients à risque à la réglementation sur les aliments enrichis.
Récemment, ce groupe de travail a publié un rapport contenant une liste de substances dont l’utilisation est interdite ou limitée dans les aliments en raison du risque potentiel qu’elles présentent pour la santé humaine. [3]
Résumé du rapport HoA
Le rapport du groupe de travail porte sur la législation et l’évaluation des substances ayant des effets nutritionnels ou physiologiques dans les compléments alimentaires dans l’ensemble de l’UE. Il énumère 117 substances qui devraient être interdites ou restreintes dans les compléments alimentaires afin de protéger la santé publique. Parmi celles-ci, les 13 suivantes ont été identifiées comme prioritaires en raison de risques potentiels pour la santé, étant donné la probabilité que les apports normaux de ces substances dans les compléments soient dépassés.
- Coumarine dans les préparations à base de plantes ;
- Curcumine dans les préparations à base de curcuma ;
- Hypericum perforatum ;
- Huiles essentielles de Melaleuca ;
- Mélatonine ;
- Pipérine ;
- P-synéfine dans les préparations à base d’agrumes ;
- Tryptophane ;
- Rhizome d’Actaea ;
- Lepidium meyenii ;
- Ocimum tenuiflorum ;
- Tribulus terrestris ;
- Withania somnifera.
Quelles sont les préoccupations de l’industrie ?
La Fédération européenne des fabricants de produits de santé (EHPM) souligne que les compléments alimentaires sont soumis à une série de règles strictes de l’UE en vertu de la législation alimentaire européenne qui garantissent un niveau élevé de sécurité et de qualité et protègent les consommateurs. L’EHPM estime que l’industrie des compléments alimentaires doit collecter des données pour répondre aux préoccupations concernant la sécurité des compléments alimentaires. Les systèmes nationaux de déclaration existants sont des outils précieux pour garantir davantage la sécurité des compléments alimentaires dans l’UE. L’EHPM soutient ses membres en fournissant des outils et des ressources pour améliorer encore la sécurité et la qualité, en plaidant pour la conformité réglementaire et les meilleures pratiques. En ce qui concerne spécifiquement le rapport, l’EHPM s’inquiète de :
L’utilisation potentiellement trompeuse de la procédure de l’article 8 du règlement 1925/2006. L’article 8 prévoit que la CE peut interdire, restreindre ou contrôler les ingrédients. Cet article doit être appliqué lorsqu’un risque de sécurité survient et non pour une classification arbitraire. L’approche HoA pourrait conduire à une utilisation trompeuse de cette procédure à des fins de classification, ce qui pourrait créer un précédent juridique inquiétant.
Dépasser les pouvoirs des autorités de sécurité alimentaire. Cette approche risque de dépasser les pouvoirs des autorités de sécurité alimentaire et de porter atteinte aux responsabilités de gestion des risques réservées à la CE et aux États membres. Les autorités de sécurité alimentaire sont chargées de réaliser des évaluations de risques, et non de gérer les risques. Cette dernière relève de la compétence de la CE, après qu’une évaluation des risques a été réalisée par l’EFSA ou les autorités de sécurité des États membres. Si les autorités de sécurité alimentaire ont une influence directe sur les décisions de gestion des risques, cela pourrait saper le processus réglementaire et porter atteinte aux responsabilités légales des autorités compétentes.
Approche disproportionnée basée sur le danger plutôt que sur le risque avéré. La méthodologie préconisée est inquiétante. En fait, interdire des substances sur la base du danger potentiel plutôt que du risque avéré n’est pas conforme à la réglementation. Cela pourrait entraîner des mesures d’évaluation et de gestion des risques disproportionnées. Il existe une différence cruciale entre « danger » (potentiel de préjudice) et « risque » (probabilité de préjudice). Interdire des substances uniquement en raison de leur profil de dangerosité sans preuve claire de risque réel (c’est-à-dire des niveaux d’exposition qui entraînent des dommages) est disproportionné et pourrait désavantager injustement l’industrie. Une approche basée sur le risque plutôt qu’une approche basée sur le danger devrait être adoptée. Cela signifie que les substances ne devraient être restreintes que s’il existe une preuve claire de risque dans des conditions d’utilisation réalistes, étayées par des données solides.
Collecte de données de sécurité et surveillance post-commercialisation. L’EHPM mobilisera ses membres pour collecter des données de sécurité, y compris des données de surveillance post-commercialisation en conditions réelles, qui sont essentielles pour démontrer le véritable profil de sécurité des substances concernées. Les entreprises sont encouragées à compiler des dossiers de sécurité complets, y compris tous les rapports d’événements indésirables et les données d’exposition, afin de fournir une base factuelle aux discussions sur la sécurité et les décisions réglementaires.
Les compléments alimentaires sont réglementés par un cadre réglementaire complet qui garantit leur sécurité et leur qualité. Les compléments alimentaires sur le marché de l’UE doivent répondre à des normes strictes de qualité et de sécurité fixées par divers règlements, notamment la directive européenne sur les compléments alimentaires (2002/46/CE) et le règlement général sur la législation alimentaire (CE n° 178/2002). Ces réglementations garantissent que les compléments alimentaires sont sûrs à consommer et répondent à des critères de qualité spécifiques. Les fabricants doivent utiliser des ingrédients sûrs et correctement étiquetés et respecter les bonnes pratiques de fabrication (BPF) pour maintenir l’intégrité et la qualité du produit. Le cadre réglementaire des compléments alimentaires dans l’UE est conçu pour garantir que les produits sont efficaces, sûrs et correctement étiquetés. Cela comprend une évaluation rigoureuse de la sécurité avant la commercialisation, le respect des limites de sécurité établies et une surveillance continue des produits sur le marché pour garantir la sécurité du produit. La réglementation exige également que les allégations relatives aux compléments alimentaires soient étayées par des preuves scientifiques afin de garantir que les consommateurs ne soient pas induits en erreur quant aux avantages de ces produits.
L’EHPM soutient ses membres en fournissant des ressources et des outils pour aider à améliorer la sécurité et la qualité des compléments alimentaires (par exemple, le Guide de qualité) [4].
L’objectif des organisations industrielles est de garantir que la réglementation des compléments alimentaires reste juste, fondée sur des preuves et correctement équilibrée entre la sécurité et le choix du consommateur.
[1] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:02006R1925-20210408 [2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:02015R2283-20210327 [3] https://www.bvl.bund.de/SharedDocs/Down loads/01_Lebensmittel/Internationales/Report_HoA_WG_FS-de.pdf?__blob=publicationFile&v=8 [4] https://ehpm.org/ehpm-standards/
[2] https://eur-lex.europa.eu/legal-content/EN/TXT/HTML/?uri=CELEX:02015R2283-20210327
[3] https://www.bvl.bund.de/SharedDocs/Downloads/01_Lebensmittel/Internationales/Report_HoA_WG_FS-de.pdf?__blob=publicationFile&v=8
[4] https://ehpm.org/ehpm-standards/
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